Présidence du Syvadec, l’élection à haut risque

L’avenir des déchets en Corse se joue sans doute ce mardi 18 août, lors de l’élection d’un nouveau président pour le Syvadec. La personne élue par les Communautés de communes et d’agglomération aidera l’île à sortir de la crise… ou l’enfoncera davantage.
Les délégués électeurs ont une lourde responsabilité. Nous les appelons à voter en conscience.

 

Qui sera élu nouveau Président du Syvadec, le mardi 18 août ? Pour qui voteront les délégués des communes ? L’enjeu est de taille. Le « patron » du syndicat régional détient le pouvoir d’influer sur la politique de traitement des déchets. Avec lui, la Corse va-t-elle enfin sortir de son retard chronique (remontant aux années 2000) et d’une politique jusqu’ici aussi inefficace que chaotique ?

À ce jour, deux candidatures sont en lice. Ne nous voilons pas la face, derrière cette élection les enjeux politiques territoriaux sont palpables. Il est bien regrettable qu’une question aussi déterminante rentre dans le jeu de la pulitichella. Elle cache par ailleurs des conceptions radicalement différentes de la gestion de nos déchets.

Qui sont les candidats ?

L’un des candidats , Georges Gianni, maire de Lecci, 2e vice président sortant du Syvadec, a exercé ses fonctions de vice président  à la com com du Sud Corse. Une collectivité qui figure en queue de peloton sur le podium du classement des performances de tri des 19 intercos de Corse en 2019.
Pour mémoire, cette collectivité présente un taux 12,7 % en collecte sélective (hors apports occasionnels en décheterie), elle n’effectue aucune collecte de biodéchets.
Ce candidat à la présidence est soutenu par le président de la Capa (agglo d’Ajaccio), lanterne rouge, lui, du classement avec 12,2 % de collecte sélective et aucune collecte de biodéchets en 2019 (données site web Syvadec, décembre 2019). Tous deux sont partisans des solutions industrielles coûteuses en investissement et en fonctionnement ; cela explique sans doute ce manque d’efficacité.

L’autre candidat, Guy Armanet, maire de Santa Maria di Lota, 3e vice-président sortant du Syvadec, est également vice président sortant en charge des déchets à la Cab (agglo de Bastia) .
Cette agglomération a initié la collecte au porte-à-porte sur une partie de son territoire dans les zones pavillonnaires,  incluant la collecte séparée des biodéchets et se classe 9e/19 avec 17,7% de collectes séparées dont 3,4 % de biodéchets. Elle se situe au dessus de la moyenne des performances de tri de nos collectivités, même si elle n’atteint pas les résultats de la com com de Calvi Balagne qui, elle, dépasse les 34,3 % de tri en moyenne en 2019,  dont près de 8 % de biodéchets (Calvi Balagne  applique strictement la démarche Zéro Déchet. En 2019, cette démarche concerne 7 communes de son territoire sur 14 , soit un quart de la population-.

La mission principale du Syvadec vise à valoriser les déchets triés de ses collectivités adhérentes et à traiter les déchets résiduels non valorisables. Créé en 2007, il exerce sa compétence en lieu et place des 19 intercommunalités adhérentes. Le Syvadec gère ainsi le recyclage et le traitement des déchets de 323 communes qui regroupent 305 281 habitants. 

Chaque commune du territoire garde en revanche la compétence d’organisation de la collecte de ses déchets : recyclables, compostables et résiduels.

Deux conceptions s’affrontent

Une partie de nos élus, poussés par les lobby industriels et les grands groupes (Véolia, Suez, etc.) sont favorables à des solutions de facilité, au prétexte que les Corses ne sont pas capables de trier. Ils affirment que des usines vont trier les sacs noirs d’ordures ménagères mélangées, avec un taux de recyclage de 80 % et une baisse « en chute libre » de la taxe*.

La Vendée, la Haute Loire et d’autres collectivités s’y sont essayées. Elles en payent le lourd tribut : les performances de tri sont médiocres et la valorisation d’une grande partie des résidus, implique le recours à l’incinération. Outre l’aspect sanitaire, le coût de traitement s’est envolé car au sortir des usines de tri mécano biologique (TMB) les déchets doivent toujours être enfouis et/ou brûlés. Ce qui implique de construire d’autres usines ou de trouver des cimenteries qui acceptent de les brûler, moyennant des coûts. Voir dossier d’analyse.

 

Cyniques ou tout simplement pragmatiques, les industriels comptent sur le peu d’engagement de certains élus pour placer leurs solutions miracles

 

Le recours à de telles usines en Corse ne permettrait nullement de résoudre la crise dans les prochaines années. Un centre de tri mécano biologique demande entre deux à quatre ans pour sortir de terre. Pendant ce temps, les balles de déchets non triés vont s’empiler dans l’attente d’exutoires, avec les coûts de transport et de traitement faramineux que nous connaissons.

Cyniques ou tout simplement pragmatiques, les industriels comptent sur le peu d’engagement de certains élus, voire leur paresse, pour placer leurs solutions miracles. Les déchets de la Corse sont un marché très convoité. Nous devons veiller à ne pas nous engager vers des solutions ruineuses et dangereuses.

Sans attendre, d’autres élus conscients de l’urgence ont initié une organisation plus efficace, en mettant en œuvre le Plan de la collectivité de Corse, inspiré de la démarche Zéro Déchet / Zero Waste. Cette organisation repose sur la réduction grâce au tri à la source, à la collecte et au traitement séparé des biodéchets (déchets humides de cuisine et déchets verts de jardin), ainsi que sur la mise en place de la tarification incitative.

De nombreux exemples montrent que c’est le meilleur moyen, efficace et rapide pour réduire réellement les déchets, leurs nuisances et les coûts : Sardaigne, Italie, Slovénie, San Francisco, Besançon, Pays de Vilaine, Thann-Cernay, etc.

 

En Alsace à Thann-Cernay. En seulement un an, on est passé de 221 kg d'ordures ménagères par habitant à 133 kg. Après abandon de la reconstruction d'un incinérateur et d'une usine de tri sur ordures brutes (TMB) - Extrait du documentaire réalisé par Jean Michel Schiavo.

En Corse, certaines collectivités démontrent, depuis quelques années, que c’est possible ! Que les habitants sont capables de bien trier et d’atteindre des taux de collecte séparée remarquables, comme à Algaiola 75 %, Aregnu 69 %, Avapessa et Sant’Antoninu 71 %, etc. (Source CC Calvi-Balagne).

 

Le travail visant la réduction des déchets sera-t-il anéanti par des solutions industrielles ruineuses et antagonistes, qui auront un impact pour des décennies ?

 

À moins qu’une autre candidature n’émerge ?

L’intérêt de la Corse et de ses habitants va-t-il l’emporter lors des futurs choix de la politique des déchets ? Le travail réalisé afin d’améliorer l’organisation de la gestion et la réduction des déchets sera-t-il anéanti par des solutions industrielles ruineuses et antagonistes, qui auront un impact pour des décennies ? C’est pourquoi les délégués électeurs ont une lourde responsabilité. Nous les appelons à voter en conscience.

* Cf. Corse Matin 12.06.2020, Laurent Marcangeli, maire d'Ajaccio et président de la CAPA : "Sur le territoire de la Capa, comme à la Cab,il s'agira de renforcer le soutien aux usines de tri et de valorisation avec l'objectif de 80% de déchets recyclés pour une taxe d'ordures ménagères "en chute libre".

 

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