Vous, Capa, Cab, Comcom ! Travaillez enfin pour la Corse et non pour transporter nos déchets au profit des industriels
15 avril 2020, jour 1 d’une solution d’urgence : 21 000 tonnes de déchets corses seront évacuées vers le continent pour être incinérées. Ce sont 1000 camions qui vont prendre en charge les balles en putréfaction, emballées de plastique et stockées sans précautions sanitaires. Ce « marché d’urgence impérieuse » coûtera plus de six millions d’euros au contribuable sans, pour autant, résoudre la crise que connaît l’île.
Loin du triomphalisme affiché par certains décideurs, Zeru Frazu interpelle les présidents des Communautés d’agglomération d’Aiacciu et Bastia et des communautés de communes de Corse.
Dans une lettre ouverte, l’associu Zeru Frazu remet les élus* face à leurs responsabilités sanitaire, écologique, économique, politique. Une dérive dangereuse et ruineuse conduirait à laisser croire au bien-fondé de l’incinération : technique vectrice de maladies chroniques. L’heure est au Covid mais aussi à la réflexion sur la politique écologique du jour d’après. Alors, réveillez-vous ! lance-t-elle. Il est plus que temps de mettre en œuvre le timide Plan régional de gestion des déchets adopté par l’Assemblée de Corse il y a quatre ans.
Pollution atmosphérique liée à l'incinérateur de déchets à Nice.
Parce que l'épidémie de Covid 19 génère un ralentissement de l'activité économique et de production de déchets, les exploitants des trois incinérateurs du sud de la France (Nice, Fos-sur-Mer, Vedène) saisissent l'opportunité de combler leurs fours avec des déchets en provenance de Corse. Ici, l'incinérateur de l'Ariane dans la vallée du Paillon à Nice.
Le 23 avril 2020
LETTRE OUVERTE À NOS ÉLUS
Messieurs les présidents des Communautés d’agglomération d’Aiacciu et Bastia
Madame et Messieurs les président.e.s des Communautés de Corse
Madame la présidente, Messieurs les présidents,
Avril 2020… Nos poubelles partent sur le continent pour incinération ! Qu’avez-vous fait, mesdames et messieurs les président.e.s pour en arriver là ?
Après 15 ans de gestion du dossier corse des déchets, sous l’égide du Syvadec, nous voilà réduits à envoyer nos ordures chez les autres. Nous voilà contraints à faire un choix que l’assemblée de Corse avait honni pour sa propre terre.
En pleine crise du Covid 19, vous portez ainsi la responsabilité d’aggraver la crise sanitaire. Et devant le marasme économique qui se dessine, vous nous obligez à une option coûteuse. Ce budget de la Corse aurait été mieux utilisé à soutenir la solidarité sociale et la relance économique.
« Ma, tandu, avete fattu cullà a puzza in celu ».
Vous aviez le temps, pourtant, de mettre en œuvre le timide Plan régional de gestion des déchets lequel prévoit leur réduction de 60 % en cinq ans… Un objectif frileux et on ne peut plus réaliste. Il n’est qu’à voir comment d’autres collectivités y sont parvenues en beaucoup moins de temps.
Mais le vouliez-vous vraiment ?
Vous, représentants des agglomérations d’Aiacciu (Capa), de Bastia (Cab), les deux plus gros producteurs de déchets en Corse, vous continuez par vos actes à pratiquer le tout enfouissement, à prôner le tri mécano biologique sur ordures en mélange et l’incinération. Vous continuez à faire en sorte que les méthodes les plus vertueuses qui ont fait leurs preuves ailleurs dans le monde, les plus écologiques, les plus génératrices d’emplois, ne puissent pas être appliquées en Corse.
Pourquoi ? La recette est éprouvée. Il n’y avait, il n’y a rien à inventer. Juste, seulement, uniquement… mettre en œuvre un tri généralisé des déchets, au plus près de la source, en suivant pas à pas les modèles qui fonctionnent ailleurs.
Tous tablent sur le tri essentiel des biodéchets, un compostage de proximité, une collecte en porte à porte et une tarification incitative, mesures complémentaires et indissociables.
L’heure est au Covid mais aussi à la réflexion sur la politique écologique du jour d’après. Alors, réveillez-vous !
Sortez du mythe de l’incinération comme solution nécessaire pour la Corse. C’est là une solution suicidaire, tant du point de vue économique que sanitaire.
L’incinération génère des résidus hautement toxiques à savoir 25 % de déchets à enfouir (résidus d’épuration des fumées, mâchefers imbrûlés). Les fumées et résidus toxiques sont générateurs de maladies chroniques.
Quant aux Unités de valorisation énergétique (UVE) que sont les nouveaux incinérateurs avec récupération de chaleur, ils imposent pour des raisons techniques et financières, de tourner, en permanence, à plein rendement. Voici, du reste, ce qui explique l’intérêt des trois installations de la région Paca à recevoir nos déchets alors que, dans cette période de ralentissement généralisé, elles doivent faire face à une pénurie et à des vides de fours.
Quant aux usines de Tri mécano biologique (TMB), elles sont productrices de composts inutilisables, car pollués et de Combustibles solides de récupération (CSR) destinés à l’incinération ? Avouez… on tourne en rond !
Le coût de gestion des déchets à la tonne en Corse est actuellement plus de deux fois le coût moyen en France. L’exportation des 21 000 tonnes de déchets en balles sur les deux mois à venir va coûter 6 100 000 € (transport et traitement), soit un surcoût de 4 000 000 €. Qui va payer le prix exorbitant de cette gestion calamiteuse ?
Les habitants de la Corse bien sûr.
Ces jours-ci, commence l’acheminement vers le continent de 1 000 camions de déchets en putréfaction, emballés sous plastique, pour être incinérés. C’est là une petite partie des balles de déchets non triés stockées en Corse.
Regardez les choses en face : la solution n’est pas là.
Si vous continuez dans cette direction, il ne nous restera à très court terme que des perspectives touchant à l’absurde.
Les centres d’enfouissement sont proches de la saturation. Va-t-on continuer la mise en balles des ordures ménagères souillées par les fermentescibles ? Va-t-on continuer à polluer air, sol et eau des sites de stockage des balles en Corse ? Continuer la ruineuse exportation pour incinération ?
Il n’est pas plus réaliste de continuer d’ouvrir des sites d’enfouissement pour y enterrer des déchets non triés : actuellement 70 % des déchets de Corse. Centres d’enfouissement dont, logiquement, personne ne voudra près de chez lui.
Madame, Messieurs les décideurs… la solution est là. À portée de main, à portée de bourse, c’est la démarche zéro déchet. Elle ne nécessite pas d’engloutir des sommes colossales dans une gestion catastrophique.
La création d’installations de proximité est, de plus, le support d’emplois locaux.
Madame, Messieurs les décideurs, sans plus attendre, nous vous exhortons à mettre en œuvre le plan de gestion des déchets de la Collectivité de Corse.
Généralisez la collecte des fermentescibles à la source, pour alléger nos poubelles. Mettez en œuvre le compostage de proximité.
Organisez la collecte des cinq flux en porte à porte.
Instaurez la tarification incitative qui récompense ou sanctionne la qualité du tri effectué.
Valorisez les déchets secs triés et les biodéchets compostés afin de générer matière première et richesse.
Cessez les discours ! Mettez tout en œuvre pour informer et équiper la population afin de réduire les déchets.
Vous, Capa, Cab et communautés de communes, travaillez enfin pour la Corse et non pour transporter un maximum de déchets au profit des industriels et des grands groupes parmi lesquels Suez et Veolia.
Veuillez agréer, Madame la présidente, Messieurs les présidents, l’expression de nos salutations distinguées.
L’associu Zeru Frazu
Lettre ouverte aux CA et CC
(*) Pour comprendre le rôle des élus et leurs compétences voir notre article du 27 février 2020
EN SAVOIR PLUS
Les Niçois s’insurgent contre l’incinération des déchets corses
Dans un communiqué , le Comité de défense des intérêts de l’Abadie (Nice) réfute la décision d’importer les déchets corses pour les brûler à Nice sous prétexte que Veolia manque de Carburant.
« Les habitants […] subissent la pollution engendrée par le brûlage de tous les déchets de la Métropole. En cette période d’épidémie de coronavirus, nous avons plus encore de raisons de nous inquiéter pour la santé des riverains.
Le Grenelle de l’environnement engageait la France dans une réduction de 15% de la quantité incinérée. À l’Ariane, elle ne fait qu’augmenter (324.000 tonnes en 2019). […] M. Estrosi est bien gentil d’incinérer les déchets corses « à prix d’ami », mais cela ne doit pas se faire à nos dépens ! Le traitement des déchets corses doit se faire en Corse. Il est trop facile de les laisser accumuler et de s’en débarrasser ensuite sur le continent. En outre, il n’est pas admissible qu’un tri sélectif n’ait été opéré et que les plastiques, gros générateurs de dioxines (mais de calories aussi, pour Veolia !) ne soient pas séparés. Aussi, nous protestons contre cette importation de déchets et nous demandons au Préfet de ne pas l’autoriser.
» L’incinérateur rejette chaque année plusieurs tonnes de poussières et d’acides divers qui provoquent une inflammation chronique des bronches, favorisant la pénétration profonde du virus « , s’insurge le Comité de Défense des Intérêts de l’Abadie (Nice)
Trois installations d’incinération sont retenues dans le marché d’urgence impérieuse conclu par le Syvadec : Nice, Fos sur Mer et Vedène.
PHOTO DE UNE. : https://bit.ly/3cLrYcz