Participez à l’Enquête Publique concernant la construction du CTV du Syvadec à Monte (Haute Corse)
Rendez-vous sur la plateforme du REGISTRE DEMATERIALISE grâce au lien ci-dessous, afin de prendre connaissance du dossier, puis de consigner vos observations et propositions. Ce registre est accessible en ligne 24h/24h durant toute la période d’ouverture de l’enquête publique et sera clos automatiquement le JEUDI 30 JANVIER 2025 à 17h00 précises.
Il y a un an, le Syvadec (Syndicat pour le traitement des déchets en Corse) lançait une concertation préalable, étape obligatoire de la procédure administrative pour faire aboutir son projet de Centre de Tri et de Valorisation des déchets (CTV) à Monte en Haute Corse. Cette concertation a reçu plus d’une centaine d’avis, en grande partie défavorables.
En septembre dernier, en raison des nombreuses insuffisances du projet, le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) estime que la situation de la gestion des déchets en Corse aurait dû faire émerger un projet exemplaire. Il émet un avis défavorable : lire l’ Avis du 27 septembre 2024.
Plutôt que de suivre cet avis et d’aller dans le sens de la protection de l’environnement et de la biodiversité, le Syvadec a donné des réponses aux points soulevés, puis déposé un dossier de demande de dérogation exceptionnelle pour destruction d’individus, déplacement d’espèces et destruction, dégradation, altération d’habitats.
La procédure administrative se poursuit avec l’enquête publique
Actuellement une enquête publique unique, relative à la demande d’autorisation environnementale et au permis de construire, est organisée par le préfet de Haute-Corse. Un registre dématérialisé permet d’accéder aux documents, de lire les contributions et de déposer un avis. Des permanences organisées dans certaines mairies permettent de rencontrer les membres de la commission d’enquête. Les contributions peuvent aussi être adressées par courrier : A l’attention du Commissaire enquêteur, Mairie annexe de Monte, Angiolasca, 20290 MONTE
Vous êtes invité à un participer à l’enquête publique, en écrivant un avis même succinct, AVANT LE JEUDI 30 JANVIER 2025 à 17h00. Toutes les informations se trouvent dans les nombreux documents du dossier, à lire en ligne ou à télécharger sur
REGISTRE DEMATERIALISE
https://www.registre-dematerialise.fr/5880/E
A PROPOS DU PROJET
Zeru Frazu a publié et diffusé depuis 2017 pas moins de 9 articles pour expliquer, alerter et dénoncer les inconvénients de ce type de projet (voir liens en fin de page).
Cette installation peut paraître séduisante :
- tri des emballages pour exportation par matières vers les filières de recyclage,
- surtri des Ordures Ménagères Résiduelles (OMR), c’est-à-dire des déchets non triés des sacs noirs (technologie du TMB, tri mécanique sans production de compost)
- diminution de l’enfouissement (actuellement toujours à 60 %)
- production de compost de biodéchets collectés séparément
- préparation de CSR, combustible de substitution (déchets séchés broyés) à partir des déchets qui ne peuvent être recyclés, issus des deux chaines de tri et des refus de déchèteries. Ces déchets seront incinérés dans de futurs fours-chaudières, dans le but d’alimenter un/des réseaux de chaleur.
N.B. La présente enquête publique ne porte pas sur la suite de la filière CSR, les chaudières et leur implantation, qui font partie d’un projet parallèle, mais intimement lié.
Pourquoi ce projet va-t-il à l’encontre de l’environnement,
de la santé, des finances, du climat ?
A l’encontre de l’environnement et de la biodiversité : La destruction d’espèces protégées, entre autre, a motivé l’avis clairement défavorable du Conseil National pour la Protection de la Nature. Par ailleurs, ces installations surdimensionnées ont besoin de déchets pour fonctionner, avec le risque de brûler des matières recyclables, ce qui va à l’encontre d’une politique de prévention visant la réduction des déchets conformément au Code de l’Environnement (Article 541-1) Cadre général de la prévention des déchets
A l’encontre de la santé publique : une partie des flux de déchets issus de cette usine sera destinée à l’incinération. Leur combustion, fussent-ils composés de broyats de déchets séchés à fort pouvoir calorifique, génère l’émission de multiples polluants invisibles et dangereux, néfastes à la qualité de l’air, de l’eau, des sols. Les études ont clairement démontré le lien entre la pollution de l’air et l’augmentation des maladies respiratoires et cardiovasculaires. Certains additifs incorporés dans les plastiques rendent leur combustion encore plus dangereuse (ex. dioxines brômées générées par les retardateurs de flammes présents notamment dans les déchets d’ameublements). Aucun filtre ne permet d’éliminer complètement cette pollution, qui s’accumule au fil des années et s’ajoute aux autres sources. Ainsi les carburants utilisés pour les centrales électriques et les véhicules (mono combustible) émettent aussi des polluants, mais de nature moins complexe. Les normes d’émission, portant sur une partie seulement des polluants, sont d’ordre technico-économique, mais ne garantissent pas l’absence d’effet sur la santé. La dose ne fait pas le poison, notamment dans le cas des perturbateurs endocriniens, dont l’effet cocktail est démontré.
A l’encontre des finances : Ces investissements sont très lourds, puis les coûts de fonctionnement ne cessent d’augmenter pendant les années d’exploitation. Miser sur une filière CSR et la valorisation énergétique pose question : la Corse a-t-elle besoin de chaudières pour alimenter des réseaux de chaleur ? Pour la production d’électricité, les études démontrent que l’utilisation de vapeur n’a pas d’équilibre économique. Autrement dit, faire de l’électricité en brûlant des déchets dans notre région n’est absolument pas rentable.
A l’encontre des objectifs climatiques : l’abondant ensoleillement naturel de la Corse peut permettre de produire de l’énergie solaire renouvelable, moins impactante pour le dérèglement climatique, dans le cadre de projets bien conçus. En effet brûler des plastiques, textiles synthétiques, mousses de rembourrage etc., consiste à brûler des produits issus de l’industrie du pétrole, donc à émettre des gaz à effet de serre (CO2).
A l’encontre des expériences passées : dans plusieurs villes et collectivités, citoyens, médecins, associations et politiques s’associent contre l’implantation ou pour l’arrêt de telles chaudières CSR dans leurs villes (Vendée, Auvergne, Montpellier, etc.). Un projet a été récemment abandonné à Marseille. Les études menées montrent bien les conséquences néfastes qu’il est encore temps d’éviter.
ANALYSE DU PROJET
L’état d’avancement des projets de chaudières en Corse, distincts du CTV, n’est pas connu, ni même leur localisation exacte (Grand Bastia, ensuite Grand Ajaccio ?).
Mais les données prospectives fournies par le Syvadec pour le centre de Monte permettent de visualiser par ces deux graphiques le fonctionnement de la future usine de tri et traitement, à travers les tonnages entrants et sortants :
Graphiques réalisés par Zeru Frazu à partir des données figurant dans le dossier du Syvadec pour l’enquête publique du projet de CTV de Monte
Ce projet dépassé, conçu depuis plus de 8 ans, va recevoir 97 700 tonnes de déchets de natures diverses, en provenance de 14 intercommunalités. Les données sont basées sur les chiffres de 2018, c’est-à-dire avec un taux de tri de 31 % et 69 % d’enfouissement. La mise en service de l’usine interviendrait selon les prévisions fin 2027.
Plus de la moitié des tonnages entrants (58.9 %) seront des déchets mélangés dans les sacs noirs et autres, lourds et puants. En théorie, ils ne devraient contenir que des ordures ménagères réellement résiduelles non recyclables et non toxiques, donc sans les biodéchets (épluchures, restes alimentaires biodégradables), sans les verres, papiers, cartons, emballages, textiles, sans matières dangereuses (piles, petits déchets électriques ou électroniques, matières chimiques), tout ce qui se retrouve -par facilité– au fond du sac noir. Ni vu, ni connu …
Le poids permet de rentabiliser le fonctionnement de l’usine de tri mécanique à posteriori sur ordures brute non triées. Les usagers, y compris les bons trieurs qui trient en amont, paieront la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM) pour transporter et traiter les déchets, ainsi que les tonnes d’eau contenue dans les déchets alimentaires, qui vont s’évaporer (soit 16 % des tonnes traitées). La solution est de sortir le maximum de biodéchets de la poubelle comme le stipulent les lois européennes et nationales. C’est une obligation depuis janvier 2024 (Cf. Zero Waste France). En effet les déchets de cuisine séparés en amont puis compostés avec des déchets de jardin perdent naturellement de l’humidité et du poids sans autant de technologie. D’où l’intérêt financier et environnemental du tri à la source de l’organique afin de limiter les nuisances et produire un amendement de qualité pour un retour au sol.
La part des biodéchets triés à la source et collectés pour alimenter la petite plateforme de compostage jouxtant le centre de tri est de seulement 4,1 % des tonnes entrantes. C’est ridiculement insuffisant et révèle le manque de volonté d’organiser une collecte et un traitement adapté pour la valorisation organique des biodéchets de tous les producteurs, professionnels et ménages, en particulier en milieu urbain dense.
En sortie d’usine, selon les projections du Syvadec, 31 % des tonnes entrantes seront envoyées au recyclage et 3 % transformées en compost. Une grande partie (30 %) sera enfouie, dont les biodéchets pollués, séchés et perdus pour nos sols. Enfin 20 % de déchets souillés (plastiques, bois, cartons, textiles, mousses de rembourrage, etc.) seront broyés pour fabriquer 18 500 tonnes de CSR (combustibles solides de récupération).
Dans cette configuration, aucune progression n’est envisagée pour améliorer la gestion des déchets. La priorité n’est toujours pas donnée au tri généralisé à la source annoncé par les décideurs, invoqué dans le Plan de Prévention et de Gestion des Déchets de la Collectivité Territoriale (PTPGD). Cette usine est contraire aux obligations légales en matière de respect de la hiérarchie des modes de traitement. Lire Article de Zero Waste France.
A l’expérience, le tri poussé à domicile, suivi d’une collecte contrôlée de cinq flux et d’une tarification incitative (le Trépied Zéro Déchet), permet de réduire rapidement les déchets résiduels à 40 %, puis de baisser progressivement ce taux, en particulier par la séparation des déchets alimentaires, car ils représentent un tiers du poids d’une poubelle ménagère.
Plutôt que d’investir dans des « technologies d’arrière-garde » il convient de mettre à profit ce budget pour changer drastiquement les pratiques autour de trois leviers : baisse du gaspillage alimentaire, collecte séparée des biodéchets et compostage domestique.
N.B. En Italie, les déchets organiques sont la fraction la plus collectée. La moyenne nationale est de 41 % de tous les déchets recyclés. Certaines régions dépassent ce taux, comme la Sardaigne à 44,4 %. En Europe c’est la Slovénie qui est pionnière en matière de gestion des biodéchets. En appliquant la stratégie Zero Waste, qui couvre plus d’un tiers de la population slovène, elle a permis de réduire de six fois la quantité de déchets envoyés en décharge. Ljubljana se classe au premier rang des capitales de l’UE en ce qui concerne les performances de tri à la source et de réduction des déchets.
Ce projet est antinomique du tri à la source. Il s’appuie sur un faible taux de tri à la source et permet de justifier le surdimensionnement de l’usine. C’est un appel à produire des déchets et surtout à ne pas trier. Le Syvadec néglige délibérément la mise en œuvre d’une vraie politique de gestion ambitieuse, seule capable de sortir la Corse de la situation catastrophique où elle se trouve. C’est le choix de la facilité, de la médiocrité, de l’explosion des coûts, afin de laisser prospérer des installations industrielles inadaptées, au bénéfice de quelques uns et au détriment des finances des collectivités et de la population.
Avant de se lancer dans la valorisation énergétique thermique et prétendre faire « disparaître » des déchets par incinération*, ne faut-il pas se demander quels sont les besoins en chaleur dans des zones urbaines côtières d’une île méditerranéenne ? Et chercher à savoir si la valorisation des déchets sous forme d’électricité est une solution rentable par rapport aux autres sources d’énergie ? L’incinération est le mode de traitement le plus coûteux. Elle gaspille les ressources et oblige à trouver en continu de quoi brûler. Elle rend les collectivités dépendantes du système. Une fois l’usine construite, il n’est plus possible de revenir en arrière (exemples : Suède, Allemagne, Pays Bas, etc doivent importer des déchets pour les brûler).
*L’incinération des déchets ne les fait pas disparaitre. Dans l’atmosphère sont libérés des polluants invisibles et des cendres volantes. Il reste un important volume de résidus d’épuration des fumées captés par les filtres et des résidus de combustion dans les fours-chaudières, qu’il faut traiter et stocker à des coûts élevés. La Corse ne peut disposer de site de stockage de classe 1 pour déchets dangereux.
OBSERVATIONS SUR LA SITUATION DU CTV
Le projet est localisé à proximité du rond-point de Casamozza, direction de la route de la plaine orientale, près de la commune de Lucciana sur une parcelle de 5 ha (3 ha seront imperméabilisés) dans un Espace Stratégique Agricole (ESA), déclassé par le Préfet.
La zone du centre de tri se situe en limite Ouest de la masse d’eau souterraine « aquifères alluviaux majeurs corses (Fium Alto, Golo, Plaine de Mormorana, Bevinco) », entre deux cours d’eau : le Golo (110m) et son affluent le Forcione (80 m). Étant donné la présence de captages d’eau potable (AEP) en aval, le suivi régulier des eaux souterraines considérées vulnérables et sensibles est recommandé par les autorités environnementales.
Le voisinage du site est également considéré comme sensible, compte tenu de la présence de cultures et d’une habitation à proximité. Des projets d’urbanisation, sur la parcelle limitrophe au Sud du CTV, figuraient au projet de Plan Local d’Urbanisme de la commune : maison pour personnes âgée, logements collectifs, commerces, école. Ce PLU a reçu un avis défavorable.
Le permis de construire ne doit pas être accordé à cette structure qui ne respecte ni les règles de l’urbanisme, ni celles du Code de l’environnement.
CONCLUSION
Pour toutes ces raisons, le projet tel que présenté à l’enquête publique est inacceptable, car il conduit à la déresponsabilisation des collectivités et des usagers. Il doit être revu dans son dimensionnement, sa configuration, son fonctionnement, voire sa localisation. Le problème des déchets est une priorité, mais leur traitement ne doit pas être envisagé à n’importe quel prix. Il est urgent, en s’inspirant des méthodes qui ont fait leurs preuves, de mettre en œuvre une politique volontariste de prévention et de réduction, avec un mode de gestion Zéro Déchet, au moyen d’infrastructures adaptées.
POUR ALLER PLUS LOIN : D’autres arguments dans le dernier communiqué sur le site de la Coordination Corsica Pulita
Publications antérieures de Zeru Frazu :
27 mars 2017 – Bonne élève pour la tarification incitative, la Vendée s’illustre comme mauvais exemple pour le tri mécano-biologique
18 avril 2017 – Traitement et valorisation des déchets : nouvelle action du réseau Zeru Frazu à Ajaccio
19 juin 2017 – Le projet de centre de tri valorisation de la Capa, agglo d’Ajaccio
09 février 2018 – Fausses bonnes idées : Tri mécano biologique et préparation de Combustible solide de récupération
03 mai 2019 – Traitement des déchets : Non, Altriom n’est pas une usine-miracle
23 février 2021 – Comment une usine de TMB devient un gouffre financier…
30 mars 2023 – Les centres de surtri ou CTV ou centres multi-fonctions
18 août 2023 – CTV du Grand Bastia : que deviendront nos déchets ?
20 janvier 2024 – A Monte, le centre de surtri continue d’alimenter les tensions