Quelle crise des déchets en Corse ?

La situation devenue intolérable de la gestion de nos déchets suscite réflexions, analyses, propositions. C’est le cas de l’article  « Quelle crise des déchets en Corse ?», publié par le nouveau média en ligne Robba.

 

Avant-propos de l’associu Zeru Frazu :

Après une quinzaine d’années de sensibilisation réalisée par les associations auprès de la population et des différents acteurs en charge de ce problème, force est de constater que l’urgence n’est pas encore au centre des préoccupations de tous. Pas davantage celle liée au dérèglement du climat, tout aussi prégnante et qui nécessite des actions publiques et des financements.

Pour revenir sur la chronologie, la construction d’incinérateurs dits « de nouvelle génération » était la solution de facilité pour remplacer les sites de brûlages installés dans les années 80 (cf. Enquête sur les petits incinérateurs fermés en Haute-Corse).

Un premier projet de deux usines, c’est à dire une par département était envisagé avant les années 2000, puis une seule installation, « Unité de Valorisation Énergétique », au centre de l’île, selon le plan voté par l’assemblée de Corse en 2002 (cf. Corse: discorde autour de la gestion des déchets ménagers, paru dans Les Echos le 29 octobre 2002 ). Pour plus d’historique sur la situation des déchets en Corse, consulter l’aperçu non exhaustif sur le site du Collectif contre l’incinérateur.

En 2002, les cadres légaux s’imposaient déjà aux collectivités pour la gestion des déchets ménagers : le Piedma s’appuyait sur la Circulaire du 28 avril 1998 mentionnant l’importance de la maîtrise des coûts de traitement et l’obligation de collecter 50 % des déchets en vue de leur recyclage, compostage ou épandage en agriculture.

Le plan suivant, PPGDND de 2015, encore opérationnel à l’heure actuelle, est tenu à la réalisation des objectifs définis par les lois Grenelle, notamment en termes de prévention, de hiérarchisation des modes de traitement, de l’instauration d’une tarification incitative dans un délai de cinq ans et de limitation en distance et en volume des transport des déchets.

Dès les années 2000 les ministères de l’environnement et de l’agriculture ont mis en avant la nécessité de la valorisation organique des déchets par compostage et leur collecte séparée, avec le soutien technique et financier de l’Ademe. (cf Circulaire du 28 juin 2001 aux préfets).

C’est donc bien au mépris de leurs obligations que les collectivités : communes, communautés de communes et syndicat de traitement, ont laissé  «pourrir» la situation au fil des années et notamment depuis l’abandon du projet d’incinérateur, annoncé en 2007 (cf. déclaration du président du Syvadec), puis acté en 2010 (cf. Délibération N°2010-202 AC, votée à l’unanimité par l’assemblée de Corse) , sans organiser la réduction qui s’impose, laissant le marché de nos déchets mélangés aux transporteurs, aux exploitants de décharges, favorisant de nouveaux projets industriels, dont la rentabilité est directement liée aux tonnages, mais contraires à une saine gestion des déchets, tant au sens de la santé que de nos finances.

Au cœur de cette crise, il s’agit bien de « nos déchets », qu’elles sont tenues de gérer en respectant la santé, l’environnement et la loi, ainsi que de « notre argent à tous« , prélevé pour assurer ce service public obligatoire, mais qui se révèle calamiteux et ampute de plus en plus les budgets généraux de nos intercommunalités.

Il importe de trouver les moyens de faire appliquer la loi et de faire respecter le plan élaboré par l’assemblée de Corse, comme c’est le cas dans l’île de Sardaigne.

Le moment n’est-il pas venu d’arrêter de gaspiller les moyens financiers qui s’amenuisent et de renoncer aux projets inutiles, dangereux et coûteux, pour des solutions simples, efficaces, plus rapides à mettre en œuvre et éprouvées , telles que préconisées par la stratégie Zero Waste : réduction, collecte séparée et contrôlée de tous les flux, triés à la source, tarification incitative ?

Voir article du 20 janvier 2021 sur le site Robba

La société corse est dans l’impasse non par l’insuffisance de ce qu’elle produit et de ce qu’elle consomme mais par l’abondance de ce qu’elle rejette.
Prendre au sérieux le traitement des déchets peut paraître inintéressant. Et pourtant. Il y a bien un contenu philosophique à cette question brulante de l’actualité.
Marcel Mauss, l’un des fondateurs de l’anthropologie n’hésitait pas à affirmer : « Ce qu’il y a de plus important à étudier dans une société, ce sont les tas d’ordures ». Tâchons donc d’examiner les faits pour donner des pistes de compréhension à cette interminable crise des déchets et pour tenter aussi de mieux nous connaître. Dis-moi ce que tu jettes et je te dirai qui tu es…


Vous aimerez aussi...