Le vieil incinérateur de Monaco, un exemple ? Vraiment ?

Le 25 novembre 2010 l’Assemblée de Corse a acté l’abandon de l’incinération. Malgré cela, l’incinérateur de Monaco-Fontvieille est toujours cité en exemple. Polluant. Usé. En fin de vie. Le prince Albert, lui même, a déclaré que l’incinération n’était peut-être pas la solution. Alors vraiment le vieil incinérateur de Monaco, un exemple ?

Pour résoudre la crise des déchets en Corse, la solution de l’incinérateur resurgit. L’idée est simple et séduisante : on brûle et hop, les déchets disparaissent comme par miracle, le feu semble avoir tout purifié. Il n’en est rien, l’incinération des déchets est la pire des solutions : malgré les évolutions technologiques et réglementaires, l’incinérateur produit, concentre et diffuse des substances toxiques dans l’environnement, avec des effets sur la santé.

L’assemblée de Corse a, le 25 novembre 2010, voté à l’unanimité une délibération actant l’abandon de l’incinération et tout traitement thermique. Cependant, l’incinérateur de Monaco-Fontvieille est toujours cité en exemple ! Comment pourrait-on imaginer une usine polluante dans le pays le plus riche du monde ? Ne dit-on pas qu’elle n’émet que de la vapeur d’eau et qu’une telle usine ne produit pas plus de dioxines que les barbecues ? Ce qui est malheureusement faux ! Cette usine sert toujours de faire valoir à l’industrie.

Il faut savoir que l’usine de Monaco a 40 ans. Construite en 1980, elle est usée, en fin de vie. La question de son renouvellement fait actuellement débat de la part de certains élus, qui plaident pour une filière propre.

Forte contribution aux changements climatiques…

L’incinérateur de Fontvieille représente 34 % de la production de CO2 de la principauté. La réduction des émissions liées au traitement, et plus largement au mode de gestion des déchets, constitue un axe prioritaire du gouvernement. En effet la Principauté de Monaco s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et à réduire ses émissions de 30 % d’ici 2020, de plus de 50 % d’ici 2030.

Le prince Albert II, très sensible à la protection de l’environnement notamment à travers sa Fondation, ainsi qu’à la question climatique, a déclaré le 27 novembre 2015 dans une interview à la presse, que « l’incinération n’est peut-être pas la meilleure solution ».

Quelle énergie et à quel coût ?

L’UVE ou Unité de valorisation énergétique» de trigénération (production de chaud, froid, électricité) dissimule une banale usine d’incinération d’ordures ménagères, UIOM. Elle brûle toutes sortes de déchets, dont 30 % de déchets venant de l’extérieur (communes françaises voisines) et des boues de stations d’épuration. L’électricité produite par l’installation est surtout utilisée par l’usine elle-même. En 2006 pour respecter les nouvelles normes européennes concernant les rejets de dioxines et furannes, il a fallu investir 20 millions d’euros pour la mise à niveau. Les nouvelles technologies mises en place consomment davantage d’électricité. La part d’électricité excédentaire à vendre s’en trouve diminuée.

En raison des contrats d’engagement pour la fourniture d’énergie à ses clients et des coûts croissants, l’usine nécessite comme tous les incinérateurs un approvisionnement constant de déchets, pour fonctionner à plein rendement 24h/24, 360 jours par an.

 


En 2016, 87 % des tonnages collectés concernaient des ordures ménagères en mélange ; cela laisse très peu de place pour le recyclage…

Il ne polluerait pas ?

Aucune enquête sanitaire à proprement parler n’a été menée à Monaco sur l’impact des rejets de l’usine d’incinération. L’incinérateur fonctionne selon le schéma : incinération = pollution, puis tentative de dépollution.

Toute combustion fabrique et concentre des polluants diffusés dans l’atmosphère et  dans tous les résidus solides ou liquides, dont les redoutables dioxines. Les combustibles (déchets ménagers et autres) sont tellement hétérogènes, que l’on ne peut connaître le nombre, ni la nature des molécules émises. Il n’y a aucune comparaison avec les émissions des véhicules à moteur ou les centrales électriques même au fioul lourd, qui utilisent un mono combustible issu du pétrole.

La plupart des exploitants d’incinérateurs, de France et d’ailleurs, sont-ils prêts à investir autant qu’à Monaco  dans le traitement des fumées ? Malheureusement c’est là que sont souvent réalisées les économies.

 


IDA AUKEN, Députée et ancienne ministre de l’environnement :
« Quand tu as un marteau, tu commences à chercher un clou, non ? Donc si tu as un énorme incinérateur, tu vas commencer à chercher des choses à brûler »

Tout serait sous contrôle ?

Pour la fiabilité des contrôles industriels, il suffit d’observer le scandale récent de Volkswagen et des autres constructeurs automobiles… Pour des questions de coûts, il est impossible de contrôler tous les polluants connus. Des quantités d’autres molécules ne sont pas recherchées. À Monaco les 30 % de mâchefers toxiques sont exportés, les REFIOM (résidus d’épuration des fumées) sont envoyés en sites spécifiques pour déchets dangereux, générant des coûts importants. Et quid de la pollution générée lors des dysfonctionnements ?

Si la production de déchets ménagers baisse, l’exploitant se voit contraint d’admettre toutes sortes de matériaux combustibles, voire de les importer d’autres régions, parfois lointaines. La Suisse, la Suède, sont tombées dans ce piège. La récente usine de Copenhague au Danemark défraie déjà la chronique  comme on peut le voir dans le reportage vidéo (7min) diffusé sur Arte Vox Pop le 20 novembre 2016. ou encore dans Libération du 1er avril 2018 ( l’incinération des déchets dans la tourmente). L’article Zero Waste Europe du 8.11.2019  (Un fiasco danois : l’usine d’incinération de Copenhague) va aussi dans le même sens. Il devait être un modèle d’innovation et  de valorisation des déchets. Aujourd’hui au bord de la faillite, il menace les ambitions écologique du pays, en le forçant à importer des déchets.


L’incinérateur de Copenhague, devait être un modèle. Au bord de la faillite, il menace  les ambitions écologiques du pays, en le forçant à importer des déchets.


Qui fait-il rêver ?

En Corse l’incinérateur, qui fait encore rêver,  ne pourrait sortir de terre avant 5, 6 ans ou plus. Ce n’est assurément pas la solution à la crise actuelle, pourtant prévisible depuis longtemps. En matière de déchets ménagers, plus de 80 % de nos poubelles peut faire l’objet d’une valorisation préservant la matière par recyclage et compostage, seule compatible avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et la notion d’économie circulaire. L’incinération est la destruction définitive des matériaux que l’on aurait pu recycler. Tout repose sur l’organisation des collectes en amont.

Une gestion inspirée de la démarche Zero Waste, Zéro Déchet, Zéro Gaspillage échappe au piège industriel des fausses solutions en aval que sont l’incinération et le TMB (Tri mécano biologique) ou tout procédé assimilé destiné à traiter des ordures mélangées.

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